La Chine confirme son statut d’eldorado et d’accélérateur de croissance pour les griffes européennes
«Hautement satisfaisants, exceptionnels, nettement meilleurs que prévu, au-delà des attentes, ou encore des chiffres scintillants.» Les analystes ont surenchéri dans les superlatifs pour qualifier la progression des ventes au premier semestre du numéro un mondial du luxe, le groupe français LVMH. Avec ce constat, le luxe célèbre pleinement son retour, bien plus vite qu’escompté, après le cacochyme exercice de 2009, marqué par les griffes de la récession. Les résultats du géant français, qui possède soixante marques tels Louis Vuitton, Kenzo, Givenchy, Guerlain, viennent confirmer ceux de ses concurrents.
Ainsi, le français Hermès, le britannique Burberry, l’allemand Hugo Boss et l’italien Bulgari – même si dans une moindre mesure – ont récemment fait part d’un très fort redressement de leurs activités. Pour sa part, le groupe italien Luxottica, leader des lunettes haut de gamme et de soleil, qui détient les marques Oakley et Ray-Ban et fabrique des lunettes sous licence pour Chanel ou Prada, a connu un deuxième trimestre «record», le «meilleur» de son histoire, au cours duquel son bénéfice net a bondi de 30%.
Dans ce contexte presque redevenu euphorique, il semble d’ores et déjà acquis que les dernières estimations de Bain & Co pour 2010, une référence en la matière, s’avèrent beaucoup trop prudentes. Le cabinet de conseil, après la chute du secteur estimée à 8% en 2009, anticipait pour le marché mondial du luxe une progression de seulement 4% cette année.
Comment expliquer ce retour en grâce si soudain, dans un contexte de reprise conjoncturel pourtant encore très incertain? Principalement par la fin du phénomène de déstockage sous l’effet de la crise. Il fait désormais partie du passé et les clients aisés semblent avoir retrouvé leur appétit de consommation. Surtout en Asie, avec notamment des Chinois qui achètent à tout va et où les marques ouvrent une nouvelle boutique ou point de vente presque chaque jour. Le constructeur automobile haut de gamme allemand Audi a d’ailleurs, comme son concurrent BMW, du mal à répondre à la demande en provenance de l’Empire du Milieu. Un pays qui pourrait devenir cette année son premier marché devant l’Allemagne. «En Chine nous sommes à la limite de nos capacités en permanence», a déclaré il y a peu le directeur général d’Audi, Rudolf Stadler, «nous sommes tout le temps en train d’augmenter les capacités» de production.
Une enquête du Boston Consulting Group, réalisée auprès de 2550 consommateurs chinois, a conclu que les Chinois aspirent toujours davantage à acheter des marques de luxe. Mieux encore, ils sont de plus en plus nombreux à pouvoir désormais se les offrir. Pour les analystes d’HSBC, les espoirs asiatiques de l’industrie sont pleinement justifiés. Cette année, la Chine va compter pour 35% de la croissance du secteur, ressort-il d’une étude. L’Asie, hors Japon, pourrait y contribuer à hauteur de 70%.
En d’autres termes, l’Empire du Milieu est non seulement devenu depuis peu le nouvel eldorado pour le luxe mais il va encore porter le secteur ces prochaines années. «Oubliez le Japon, la Chine est la nouvelle locomotive du segment du luxe», corroborent les analystes de Kepler. A ce stade et de manière surprenante, peu d’observateurs évoquent toutefois un risque de bulle.
Plus globalement, la marque Louis Vuitton n’échappe pas à cette frénésie. La maison emblématique du groupe LVMH a embauché 320 maroquiniers en un an pour faire face à la demande, a précisé la semaine dernière lors d’une conférence de presse Yves Carcelle, son directeur général. Mais visiblement pas assez, puisqu’il y a des listes d’attente sur certains produits.
Et la dynamique, si l’on en croit les entreprises, ne va pas fléchir. Hermès anticipe ainsi une hausse globale de ses ventes entre 10% et 12% pour le second semestre. De bon augure aussi pour les acteurs suisses dans cette industrie, comme Swatch Group (chiffres attendus le 18 août) ou Richemont. Sans donner de détails, LVMH a également affiché sa confiance pour la deuxième partie de l’année.
«Mais il faut être prudent car est-ce que la conjoncture mondiale va continuer à être aussi porteuse? Personne ne peut le prédire. Est-ce que les parités monétaires ne vont pas encore fluctuer? Probablement», a nuancé Bernard Arnault, président du groupe français, seul (léger) bémol dans ce concert de louanges. A plus long terme, «le potentiel de croissance du luxe est illimité», prédit au contraire Vincent Bastien, professeur à HEC Paris.
Source : Le Temps